30. Avant de devenir le politicien conservateur honni par une partie de la jeunesse actuelle, Ishihara Shintarô a été un écrivain adulé par les plus jeunes. Ce roman, qui lui a valu de recevoir le prestigieux prix Akutagawa en 1955, a été à l’origine d’un véritable phénomène de société. Il décrivait alors une jeunesse insouciante qui ne pensait qu’à se balader sur les plages d’Enoshima. La “tribu du soleil” (taiyôzoku) comme on l’a surnommée a bien vécu. Comme le romancier, elle a vieilli et oublié le plaisir de vivre.
Ishihara Shintarô, La Saison du soleil, Trad. Kuni Matsuo, Julliard, 1958
31. La nourriture occupe une place importante dans la vie des Japonais qui apprécient la bonne chère. Avec ce roman, Ogawa Ito évoque la cuisine comme un élément susceptible de bouleverser des vies. Elle a d’abord chamboulé celle de son héroïne qui, après une rupture amoureuse, retourne chez sa mère, loin de la capitale. Elle ouvre alors un restaurant grâce auquel elle va distribuer du bonheur. Une œuvre réjouissante au plus haut point.
Ogawa Ito, Le Restaurant de l’amour retrouvé, Trad. Myriam Dartois-Ako, Picquier, 2013
32. Plus de 25 ans après son décès, Matsumoto Seichô reste un des écrivains les plus populaires de l’archipel. La plupart de ses œuvres ont été adaptées au cinéma ou à la télévision, et de nombreux magazines lui consacrent encore des dossiers spéciaux. Ce roman, paru en 1957 sous forme de feuilleton dans la revue de voyages Tabi lui a permis de s’imposer comme l’un des maîtres de la littérature policière, succédant ainsi à Edogawa Ranpo. Avec ses intrigues autour des trains, il a contribué à populariser le genre.
Matsumoto Seichô, Tokyo Express, Trad. Rose-Marie Fayolle, Picquier, 1994
33. Pendant très longtemps, la japonologie française s’est cantonnée dans l’étude du Japon ancien. Il était très difficile de trouver des ouvrages francophones sur la période contemporaine. Heureusement, une nouvelle génération de chercheurs et d’universitaires est apparue avec la volonté d’explorer ce Japon nouveau issu de la capitulation d’août 1945. Publié en 2007, cet ouvrage est le fruit de ce travail. Il contribue à offrir de nombreuses pistes de réflexion et surtout il ne néglige aucun aspect du Japon contemporain. Du cinéma à la politique, en passant par la chanson, le filon est très riche.
Jean-Marie Bouissou, Le Japon contemporain, Fayard, 2007
34. Si Edogawa Ranpo fut le pionnier de la littérature policière au Japon et Matsumoto Seichô son digne successeur, on peut dire que Higashino Keigo, né en 1958 l’année où Matsumoto s’imposait avec Tokyo Express, assure désormais la relève avec brio. Plus ancrées dans la société contemporaine, ses histoires interpellent les lecteurs par la justesse de l’analyse qu’il porte sur ses contemporains. Dans ce roman où intervient l’un de ses personnages fétiches, le physicien Yukawa Manabu toujours prompt à prêter main-forte à la police pour résoudre des enquêtes difficiles, l’écrivain s’interroge sur les motifs qui peuvent amener à conduire un homme à se sacrifier par amour. Comme d’autres de ses œuvres, ce livre a fait l’objet d’une adaptation au cinéma et à la télé.
Higashino Keigo, Le Dévouement du suspect X, Trad. Sophie Rèfle, Actes Sud, 2011
35. Formidable succès de librairie en France, le premier livre de Florent Chavouet est une belle leçon de choses sur le Japon. Ce qui le caractérise, c’est la fraîcheur de son regard sur le pays du Soleil-levant et surtout son approche pleine d’innocence à l’égard de ce pays et de sa société. A la différence de nombreux gaijin (étrangers), il n’a pas choisi d’emprunter la voie de la facilité, en balaçant à la tête des lecteurs les clichés et les stéréotypes sur le Japon. Il a simplement choisi de rapporter des scènes de la vie quotidienne, des images de quartiers traversés au fil de ses promenades dans la capitale. Le résultat est tout simplement bluffant. Outre la qualité de son trait et l’humour qui s’en dégage, le dessinateur a réussi à brosser un portrait saisissant de vérité et de simplicité qui vaut tous les grands discours sur ce pays.
Florent Chavouet, Tokyo sanpo, Picquier, 2009
36. Si l’on pense que Tezuka Osamu s’adressait surtout aux enfants, c’est une erreur. Le père du manga moderne voulait aussi un public plus âgé. Ayako en est une des plus belles illustrations. Paru entre 1972 et 1973, ce récit porte notamment sur la période de l’immédiat après-guerre au cours de laquelle la société japonaise a profondément été bouleversée. Ici, le mangaka s’intéresse notamment à la réforme agraire de 1947 dont les effets sont encore visibles de nos jours.
Tezuka Osamu, Ayako, Trad. Jacques Lalloz, Delcourt, 2004
37. Les Japonais font de moins en moins l’amour. C’est ce qui ressort d’une étude très sérieuse publiée début 2015 par l’Association de planning familial. En cause, les difficultés à rencontrer l’âme sœur. C’est ce que sous-tend le roman de Kawakami Hiromi dont l’héroïne Tsukiko, trentenaire épanouie dans son travail, ne parvient pas à nouer de rapports avec des hommes de son âge. Sa seule relation, platonique, un ancien prof de lycée dont elle se sent complice.
Kawakami Hiromi, Les Années douces, Trad. Élisabeth Suetsugu, Picquier, 2005
38. Grâce à ce roman publié sous forme de feuilleton de 1905 à 1906 dans la revue littéraire Hototogisu (Le Coucou), Sôseki Natsume a trouvé une excellente façon de porter un regard critique sur la société japonaise alors en pleine mutation après l’ouverture à l’Occident. En choisissant de faire intervenir un chat qui a élu domicile chez un professeur d’anglais, l’écrivain exprime des réserves vis-à-vis de l’emballement de ses concitoyens pour toute cette nouveauté qu’ils accueillent sans prendre assez de recul.
Natsume Sôseki, Je suis un chat, Trad. Jean Cholley, Gallimard, 1986
39. Parmi la jeune génération des mangaka, Asano Inio est assurément l’un des plus grands. Son imagination, son trait et les sujets traités en font un auteur majeur de ces dernières années. Dans cette histoire, il s’intéresse à cette jeunesse qui vit d’expédients, mais qui conserve des rêves d’avenir malgré les difficultés. Toutefois, comme rien n’est facile dans l’univers de cet auteur, l’un des personnages principaux meurt. Sa petite amie reprend alors le flambeau et va mener à son terme l’ambition de ce musicien qui, avant de mourir, a composé LA chanson. Un manga puissant sur ce Japon où tout n’est pas perdu.
Asano Inio, Solanin, Trad. Thibaud Desbief, Kana, 2008
40. Ce qui frappe le lecteur dans Pays de neige, c’est la qualité d’écriture de Kawabata Yasunari, prix Nobel de littérature 1968. Malgré l’absence d’action, on ne se lasse jamais de le reprendre comme on apprécie chaque année de vivre la chute des premières neiges. L’écrivain avait ses habitudes dans la station thermale d’Echigo Yuzawa, dans la préfecture de Niigata, où il a composé ce roman entre 1934 et 1937. Cette connaissance du lieu l’a amené à rédiger de magnifiques passages sur les paysages, l’artisanat et les villages sous la neige omniprésente. Une belle façon de découvrir le “Japon de l’envers” comme on le désigne dans l’archipel.
Kawabata Yasunari, Pays de neige, Trad. Bunkichi Fujimori, Albin Michel, 1971