En 2007, elle est passée au deuxième volet de sa réforme avec comme objectif de rajeunir l’équipe et transmettre le savoir-faire aux jeunes. Daiya Seiki, depuis la génération du père de Takako, avait toujours une réputation solide auprès des clients. La production d’instruments de mesure, indispensables pour la fabrication de pièces de voiture, exige une précision extrême. Certains ingénieurs de l’usine, vieux routiers du métier, sont capables de fabriquer à la main des appareils précis au micromètre. “Vous comprenez ce que cela représente ? Un micromètre, c’est grand comme une particule de fumée de cigarette. Il n’y a que cinq entreprises au Japon capables de faire la même chose que nous”, poursuit-elle avec fierté. Or, à l’époque, la moyenne d’âge de l’équipe était de 53 ans. Le vieillissement et la relève sont en effet des problèmes que beaucoup de machikôba créées, comme Daiya Seiki, dans les années 1950 et 1960 ont en commun. Pour séduire des jeunes, elle a mis en avant l’ambiance familiale de Daiya Seiki, “son point fort”, selon elle. Elle a aussi créé un système de stage et de tutorat pour les personnes sans expérience, et essayé de faire l’intermédiaire entre les ingénieurs les plus âgés et les plus jeunes. Elle a même organisé des barbecues en y conviant les familles de ces derniers. Aujourd’hui, elle affirme que “notre pyramide d’âge est vraiment parfaite. A ce jour, nous avons désormais plus de vingt personnes recrutées après 2007, ce qui a baissé la moyenne d’âge à 38 ans”.
Peu à peu, son parcours exceptionnel a attiré les médias, à la recherche d’une femme dirigeante qui représente la volonté de la société japonaise de rompre avec les vieilles habitudes. Dans un pays où le pourcentage de femmes parmi les cadres plafonne autour de 10 %, sa carrière fait rêver. Elle a fini par recevoir, en 2012, le prix “Femme de l’année” décerné par le magazine Nikkei Woman. “Je me sens responsable pour les Japonaises qui veulent travailler comme les hommes et qui n’y arrivent pas. Je dois rester un modèle pour elles”, dit-elle. Depuis, elle enchaîne environ une centaine de conférences par an : les PDG de machikôba, menacés par la concurrence internationale et taraudés par la question de la relève, sont demandeurs de conseils de sa part. “Ces entreprises sont fortes en technologie, mais elles n’excellent pas dans la communication”, analyse-t-elle. “La prochaine décennie sera cruciale pour la transmission de la technologie. Pour que ces entreprises survivent, ces deux facteurs seront vraiment essentiels”, poursuit-elle.
Quant à Daiya Seiki, la société exporte déjà ses produits à l’étranger, comme aux Etats-Unis, au Mexique et en Chine. Aux yeux de Suwa Takako, la mondialisation n’est qu’une occasion pour avoir plus de clients. Même l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche n’ébranle pas son optimisme. Interrogée sur le protectionnisme du nouveau président américain, elle déclare : “S’il construit des usines automobiles dans son pays, cela pourrait être une chance pour nous !”
Y. Y.
1 2