Pensez-vous que le pain puisse supplanter le riz dans le cœur des Japonais ?
O. H. : Disons que le marché du pain a pris une énorme dimension aujourd’hui. Personne, je pense, n’aurait pu deviner qu’il conquerrait une telle place au Japon et je pense que ce n’est que le début. Dans le futur, le marché du pain va encore grandir. Le pain a par exemple pris une place extrêmement importante sur la table du petit-déjeuner des Japonais : le matin, plus personne n’a le temps de préparer le riz, la soupe miso et le poisson grillé de notre petit-déjeuner traditionnel. On travaille, on se lève tôt, on est fatigué. Manger du pain avec un café ou acheter du pain sur le chemin, dans une boulangerie, c’est beaucoup plus pratique. C’est un constat que l’on fait aussi bien à Tôkyô que dans le reste du Japon. Le pain est véritablement devenu l’aliment incontournable du matin. Pour cette raison, j’ouvre aussi ma boutique tôt, dès 8h du matin, pour permettre aux gens de pouvoir s’acheter un pain sur la route du travail ou de l’école. Si les sandwichs marchent très bien, les pains sucrés et les viennoiseries sont tout aussi populaires. Surtout auprès des plus jeunes.
Et dans le reste de la journée ?
O. H. : Les Japonais mangent peu de pain dans la journée, il me semble. Le pain reste davantage perçu comme un snack, un en-cas. Ce n’est pas considéré comme un repas en lui-même. En Europe, en particulier en France, vous mangez du pain à n’importe quel moment de la journée. Un sandwich peut faire office de repas, pas vraiment au Japon. Le riz reste très présent lors des repas. On ne mange, par exemple, jamais de pain le soir. Le dîner est un moment très important, où l’on prend le temps de manger un repas complet, que l’on partage avec sa famille ou ses amis. Le pain n’a pas encore trouvé sa place sur ce créneau-ci, c’est aussi pour cela que je pense que le produit a une marge de progression qui peut lui permettre de se développer encore davantage. Avec mes sandwichs, je propose des repas à base de pain qui peuvent faire office de déjeuner : avec des textures plus dures, plus croustillantes. Lorsque les clients goûtent pour la première fois, ils sont surpris, étonnés. Ils me disent qu’ils n’ont jamais goûté de pain comme ça. Pour la plupart, je pense qu’ils sont conquis et qu’ils aiment puisqu’ils reviennent (rires).
Vous avez choisi d’ouvrir votre boutique dans un quartier plus modeste, un peu en retrait des points névralgiques de Tôkyô.
O. H. : Oui, c’était une volonté de ma part. Je voulais un quartier tranquille, éloigné des gares et de la foule. Je n’aime pas trop l’agitation, je suis de nature calme (rires). Alors quand j’ai trouvé ce quartier, c’est ici que j’ai eu envie d’ouvrir ma boutique, il y a maintenant quatre ans. Deux personnes travaillent à la confection et sept à la vente. Lorsque je vivais à Paris, j’ai vraiment aimé la vie de quartier avec les autres commerçants du coin. J’avais envie de garder ce cadre de vie, cette dynamique de village. C’est le cas ici où 80 % de ma clientèle sont des personnes qui vivent à Mishuku (arrondissement de Setagaya). C’est vraiment très agréable et je vis juste à côté de la boulangerie.
Pourquoi avez-vous choisi de faire ce métier ?
O. H. : Je ne sais pas trop. Je crois qu’il me rend heureux. J’aime ma boutique, les produits que je fais et j’ai l’impression que mes clients sont contents alors cela me satisfait complètement.
Propos recueillis par J. F.
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