Quelles sont les autres difficultés rencontrées ?
K. Y. : En parallèle à cette éducation au goût qui est majeure, je dirais qu’il y a aussi l’accès aux matières premières indispensables à la confection du pain. Le pain est un mélange de farine, d’eau, de levure et de sel : c’est tout. C’est simple, mais si l’on veut que ce soit bon, il faut que le savoir-faire soit là et que les ingrédients de base soient de grande qualité. C’est pourquoi nous utilisons de la farine française Tradition des Minoteries Viron. C’est très rare d’utiliser cette farine au Japon, elle coûte trois fois plus chère qu’une farine américaine ou canadienne, qui sont celles généralement importées par la plus grande majorité des boulangers japonais. Autre point : l’eau. En France, on peut facilement utiliser de l’eau du robinet pour faire le pain. Elle est suffisamment dure pour cela. Ici, elle ne convient pas pour le pain : nous achetons donc des bouteilles d’eau minérale de marque française (Contrex). Le prix de fabrication est ainsi beaucoup plus élevé et cela se répercute sur le prix de vente, ce qui peut aussi parfois décourager les clients. Mais c’est le prix à payer pour une fabrication artisanale optimale. Les artisans-boulangers japonais qui font le choix du pain français rencontrent souvent de grandes difficultés, notamment au moment de l’installation. Ils partent en France, rentrent au Japon formés mais n’imaginent pas encore ces embûches qui contraindront leurs débuts.
Vous avez fait le choix de ne pas proposer de shokupan ou d’autres pains japonais.
K. Y. : Non, nous vendons exactement les mêmes produits que ceux que l’on peut trouver dans les 29 boulangeries-pâtisseries “Grenier à pain” en France. C’est aussi ce que nous mettons en valeur dans la boutique, le typiquement français : à la place du shokupan, nous proposons du pain de mie. ça marche bien. Les Japonais aiment aussi goûter ces “produits qui viennent de l’étranger”. Personnellement, j’aime beaucoup le shokupan ou les pains japonais, mais ce n’est pas le goût que je cherche à faire dans ce magasin, ce n’est pas dans ma démarche. Dans les cafés “Chez lui” dont je m’occupe également, nous misons davantage sur de la nourriture japonaise servie dans un décor de vieux café à la française, ce n’est pas du tout le même type de magasin ni le même type de produits.
Propos recueillis par J. F.
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