Un jour de congé, alors qu’elle se baladait en jean sur une allée de ginkgos, elle éprouva un sentiment de beauté émouvant. “Pourquoi n’avais-je pas remarqué tout ça ? Si j’avais eu un appareil, je n’aurais pas raté l’occasion de le saisir”, s’est-elle dit. Elle a donc décidé de renoncer à sa future embauche.
Alors, sur son ordinateur, après avoir fait une recherche “Studio photo à Tôkyô”, elle a posé sa candidature dans la première entreprise apparue sur la liste des résultats. Une fois reçue sa promesse d’embauche, elle a appris que ce studio était réputé pour sa rigidité. Effectivement, le chemin pour devenir photographe professionnel était très balisé ; elle n’était là que pour aider les “pros” sans jamais pouvoir toucher à l’obturateur. Tous les jours, ce n’était que de la simple consommation de photos. Un doute est né : “A qui s’adressent ces photos ?”. Dans le studio fréquenté par des stars, on entassait des bentô, alors qu’ailleurs on parlait de la pénurie alimentaire après le séisme. “Je veux prendre des photos remplies d’éclats de vie”, se disait-elle. Elle a ainsi décidé de quitter le studio au bout d’une année, alors qu’on lui avait laissé une certaine responsabilité. En mars 2012, elle est venue à Ishinomaki, comme photographe-archiviste pour une association bénévole. Elle était, alors, ravie de tenir l’objectif et d’appuyer sur l’obturateur. Mais fin juin, les activités de l’association ont commencé à baisser. En demandant quelques conseils à sa sœur aînée, celle-ci lui a demandé si elle avait “pris en photos les gens qui affrontaient courageusement les séquelles du séisme”. Ne sachant que lui répondre, elle a, alors, repris des petits boulots lui permettant de continuer à prendre des photos. C’est ainsi que, l’année suivante, elle est devenue photographe indépendante. Si depuis six ans, beaucoup de photographes ont quitté Ishinomaki, Furusato Hiromi repense à tous les moments qui lui ont permis de tisser un véritable lien avec “Ishinomaki, cette ville qui m’a fait passer du statut de simple caméraman à celui de vraie photographe”. “Ici, je ressens de puissants éclats de vie”, nous confie-t-elle.
Au printemps de cette année, le Musée du manga a organisé l’exposition de photos “A suivre” rassemblant les travaux des photographes installés à Ishinomaki. Elle y a participé avec trois autres confrères connus de la ville. En recoiffant ses cheveux frisés, elle nous a déclarés, d’un air un peu gêné : “Mon maître, c’est la ville d’Ishinomaki”.
Ohmi Shun, Hirai Michiko
1 2