Aujourd’hui, ces fromages industriels restent largement commercialisés dans le pays. Ils se sont améliorés au niveau du goût, mais ils ne peuvent pas convenir aux palais des plus exigeants. C’est pourquoi on a vu apparaître une génération d’agriculteurs conscients de la nécessité de produire des fromages de qualité comme se sont multipliés dans le pays les boulangers désireux de fabriquer du pain selon des méthodes artisanales (voir Zoom Japon n°74, octobre 2017). C’est à Shintoku, toujours dans cette fameuse région de Tokachi, que nous avons rencontré Miyajima Nozomu. Celui-ci dirige une exploitation agricole où l’on produit à la fois des légumes de manière organique et une fromagerie dont la réputation dépasse largement les limites de Hokkaidô et même du Japon. Kyôdô Gakusha, tel est son nom, a aussi la particularité d’aider les personnes ayant un handicap physique ou mental à trouver dans l’agriculture un moyen de subsistance autonome. Inspiré par son père Shin’ichirô qui avait initié ce programme d’entraide dans la préfecture de Nagano, il a choisi de s’installer dans la région de Tokachi, il y a tout juste 40 ans. “Mon but était alors de démarrer une nouvelle vie avec ma femme et ma fille. Nous avions alors six têtes de bétail et six collaborateurs”, se souvient-il en contemplant le vaste domaine qu’il occupe désormais. 110 hectares cultivés sans aucun engrais chimique et un cheptel composé pour l’essentiel de Brown swiss dont le lait s’avère parfait pour atteindre son objectif de produire “un vrai fromage japonais”.
Miyajima Nozomu est parti d’un simple constat. Si la production fromagère nippone continuait à être assurée par les industriels du secteur, il y aurait peu de chance que le Japon puisse espérer progresser alors que sa belle région de Hokkaidô réunissait toutes les conditions requises pour avoir des fromages dignes de ce nom. Il a donc pris le taureau par les cornes. Ne sachant pas comment s’y prendre en dépit de ses études agricoles faites aux Etats-Unis, cet homme avisé a pris la direction de l’Alsace en 1988 pour y faire la connaissance de celui qui a changé sa vie, Jean Hueber, président du Syndicat interprofessionnel du fromage Munster. “Il m’a enseigné la valeur du fromage traditionnel et l’importance du système d’appellation d’origine contrôlée (AOC). Cela m’a permis de prendre conscience de notre réel potentiel. M. Hueber m’a mis le pied à l’étrier. Ensuite j’ai pris des conseils auprès d’autres producteurs français”. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Après avoir entrepris des travaux lui permettant de créer un lieu de collecte et de production faisant appel le moins possible à la mécanisation, il est parvenu à produire des fromages inspirés des exemples français. Son camembert et son comté n’ont aujourd’hui rien à envier aux AOC hexagonaux.
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