A l’instar d’une île flottante au milieu d’un désert, le quartier d’Ochobo-san apparaît enfin. Le taxi me dépose à l’entrée Est du lieu et le minibus à l’entrée Sud, lesquelles sont chacune marquées par un immense torii. Entre les deux, le sandô dessine l’axe principal, la seule rue animée des alentours. Sur près de 600 m, s’entassent près de 150 petits commerces locaux qui évoquent la ville imaginaire d’un certain film de Miyazaki. Si on dit que les torii marquent la séparation entre notre monde et celui de la divinité, ce lieu en est bien la preuve. Ici, il ne faut chercher ni le chic de Kyôto, ni le kitsch d’Ôsaka, et encore moins la modernité tokyoïte, le quartier a su conserver simplement une certaine allégresse et une tranquillité d’une autre époque dans un village créé autour d’un lieu sacré.
Le petit magasin d’alimentation générale, que fréquentait ma grand-mère, m’accueille toujours avec la même devanture où les produits sont exposés comme sur les marchés. Son voisin est un magasin de jouets semblable à la caverne d’Alibaba. En face, se dégage l’effluve d’un boui-boui où des gens discutent, rigolent et se régalent debout, dans la rue, de kushi-katsu, ces brochettes de porc pané, frites sous vos yeux dans une grande casserole d’huile bouillante. Cette spécialité locale se mange avec de la sauce miso accompagnée de gros morceaux de feuilles de chou crues. Lors de l’addition, le commerçant encaisse 90 yens (70 centimes) par brochette. Il y a également des restaurants plus spacieux au style d’un autre âge proposant des menus de 1 000 à 3 500 yens (8-30 euros) avec notamment des poissons d’eau douce. Le plus impressionnant est le poisson-chat entier grillé proposé par des maisons centenaires comme Hoteiya ou Yamada-honten. Mon préféré est l’anguille grillée fondante et couverte de sauce sucrée-salée de la maison Shikishima où ma grand-mère m’amenait chaque été. On y mange sur une table basse, assis sur le tatami en regardant la télé locale.