Le risque est d’autant plus grand que cela puisse se produire car, de toute évidence, une majorité de la population nippone n’est pas prête à recevoir un grand nombre d’étrangers sur son territoire. Même si la présence de ressortissants étrangers n’est pas une nouveauté, ne serait-ce que celle des Coréens, l’histoire a montré que les Japonais ont eu de mauvais réflexes à leur égard en cas de difficultés. La montée du nationalisme des deux côtés du détroit de Tsushima au cours des dernières années n’arrange pas les choses et il en va de même avec les Chinois dont l’image est loin d’être positive dans l’opinion publique. On ne peut pas avoir vécu plus de deux siècles coupés du monde sans qu’il reste, malgré la mondialisation, des réflexes de repli ou de rejet de l’autre.
C’est pour cette raison que la politique d’immigration voulue par le gouvernement devrait être mieux expliquée et mieux préparée. D’ailleurs, l’un de ses principaux défauts est de ne pas avoir été désignée comme telle par les autorités. Le Premier ministre refuse d’employer l’expression dont il sait qu’elle n’est guère populaire auprès de ses administrés. Pourtant, il s’agit bien de cela. En décidant de ne pas appeler un chat un chat, il contribue à entretenir la méfiance d’une partie des Japonais qui craignent de voir leur mode de vie changer avec l’arrivée en nombre de ces travailleurs étrangers. Sur les réseaux sociaux, les discussions sur ce thème font rage. A la fin de l’année, une vidéo montrant deux jeunes “étrangers” en train de se battre sur un quai de gare a suscité de nombreuses réactions négatives. Dans un pays où le sentiment de sécurité est particulièrement élevé, ces images ont choqué et amené plusieurs commentaires sur les risques d’une poussée de l’insécurité.
De nombreux spécialistes des questions migratoires estiment que les autorités doivent être plus audacieuses dans la mise en œuvre d’une politique d’ouverture des frontières en mettant en place une véritable politique d’intégration. Mais cela ne semble pas être l’option retenue faute d’une vision à long terme. En effet, le gouvernement propose une installation sur 5 ans, estimant que les travailleurs retourneront dans leur pays d’origine à l’issue de leur séjour nippon. Mais la possibilité de regroupement familial offerte par les nouvelles règles laisse penser qu’une bonne partie de ces familles s’installeront définitivement dans l’Archipel sans que, pour autant, des dispositions aient été prises pour faciliter leur implantation au sein de la société japonaise.