A 87 ans, Takino Fumie n’a rien d’une mamie tranquille. Amateur de manga, elle livre ses réflexions.
Aujourd’hui, elle ne porte pas le débardeur rose, la mini-jupe à ourlets dorés et les bottes en cuir blanc, mais une robe toute simple, noire et rouge. Elle n’a même pas emmené ses pompons dorés. Après tout, nous ne sommes pas un jour d’entraînement. Takino Fumie, 87 ans, est la fondatrice et la principale présidente de Japan Pom Pom, une équipe de majorettes composée exclusivement de dames âgées. La deuxième membre la plus âgée a environ 80 ans et plus de la moitié des autres ont dépassé les 70 ans.
“J’ai commencé le Japan Pom Pom en 1994, à l’âge de 62 ans, après avoir lu un livre sur une équipe de pom-pom girls senior aux États-Unis. Nous n’avons que deux règles : vous devez avoir au moins 55 ans et être belle… ou au moins avoir confiance en vos qualités physiques. Je sais que 55 ans ne fait pas de vous un senior, mais j’ai choisi de suivre l’exemple de l’équipe américaine. Nous nous produisons dans des lieux telles que des maisons de retraite. Mais je le fais surtout pour moi parce que ça me donne de l’énergie”, confie-t-elle. Elle est née à Hiroshima et a grandi dans la préfecture de Hyôgo, près de Kôbe et Ôsaka. “C’est pour ça que je suis un peu étrange (rires). C’est du moins ce que pensent les Tokyoïtes.”
En effet, Takino Fumie est une femme unique en son genre et la bonne personne pour parler de la nouvelle vague de mangas mettant en vedette des protagonistes âgés. Non seulement elle est une octogénaire lectrice de mangas, mais elle est également titulaire d’une maîtrise en gérontologie de l’University of North Texas. “Je me suis lancée dans ces études parce que je voulais savoir comment notre corps et notre esprit changeaient avec l’âge”, explique-t-elle. “Le Japon est la société qui vieillit le plus rapidement au monde et où l’espérance de vie est la plus longue. Pourtant, à l’heure actuelle, on n’y trouve qu’un seul cours de gérontologie. Dans ce pays, tout se concentre sur la gériatrie, mais personne ne semble se soucier des aspects psychologiques, sociaux et culturels du vieillissement. Ce que les gens – surtout les plus jeunes – doivent comprendre, c’est que vieillir ne signifie pas nécessairement tomber malade. Le vieillissement n’est pas une maladie”, ajoute-t-elle.
Bien que n’étant pas une passionnée de mangas, elle lit souvent ceux que ses deux enfants lui procurent. “Je crains de ne pas être toujours à la page. Je lis principalement des mangas shônen (jeunes garçons) – Astro le petit robot, Kyojin no hoshi sur le base-ball et Oishinbo, un manga sur la cuisine – mais mes séries préférées restent Sazaesan et Touch.”
Pour ce dossier, nous lui avons demandé de lire quelques mangas comme Sanju Mariko (voir pp. 7-10) et Yûgure he. Le premier raconte l’histoire d’une veuve de 80 ans qui vit sous le même toit que la famille de son fils. Sentant que sa présence les importune, elle décide de partir et de commencer une nouvelle vie seule. Ce manga semblait avoir attiré l’attention de Takino Fumie une femme très indépendante. “Mon mariage n’a pas été une réussite”, dit-elle. “Nous avons eu des problèmes dès le début. C’était un coureur de jupons et il se montrait indifférent à nos enfants et à mon égard. Mais plus que son infidélité, sa paresse me mettait hors de moi. J’aurais bien divorcé mais je pensais qu’une séparation aurait eu un effet néfaste sur les enfants, alors je l’ai supporté jusqu’à la fin de leurs études.”