Bordée par le Pacifique et la mer intérieure de Seto, l’île de Shikoku abrite un chemin de pèlerinage riche de 1200 ans d’histoire. A travers ses quatre provinces, sur 1200-1400 kilomètres de paysages naturels à couper le souffle, les pèlerins se déplacent, au rythme de 88 temples sacrés, sur les pas du moine bouddhiste Kûkai ou Kôbô Daishi. Le but étant d’accéder à l’Eveil, état où l’esprit est unifié à l’univers. Pour soutenir les pèlerins dans ce périple de 45 jours à pied, une gastronomie savoureuse et la générosité sans borne des habitants qui offrent cadeaux et lieux de repos aux marcheurs (O-settai).
Shikoku-Ohenro
Historiquement, « Shikoku-Ohenro » retrace l’itinéraire emprunté par le moine Kûkai (dont le nom bouddhiste posthume est Kôbô Daishi), lors de son apprentissage, en 800. C’est lui qui introduisit le Shingon au Japon, l’une des treize écoles bouddhistes de l’archipel, depuis la Chine. La première référence au pèlerinage de Shikoku apparaît dans des écrits du XIIe siècle mais c’est seulement entre les XVIe et XVIIe siècles qu’il se finalise et prend la forme qu’on lui connait aujourd’hui.
Plus qu’une marche religieuse, Shikoku O-henro est avant tout une marche spirituelle : si les premiers jours, l’attention du pèlerin se focalise d’abord sur la douleur physique qu’il ressent dans le dos et les jambes, il finit par l’oublier, à mesure que la Nature de l’île déploie ses paysages époustouflants. Son littoral, ses montagnes escarpées, ses forêts, l’environnement luxuriant pousse à faire le vide : le chemin permet de s’offrir un temps de réflexion sur soi-même. Les paysages et la sérénité dégagée par les lieux de recueillement favorise cette introspection. On dit que lorsque l’on achève la marche, on sait qui l’on est vraiment.
A travers ce chemin de pèlerinage, en plus d’une communion avec la Nature, on découvre une culture infinie. La générosité de la population locale, amoureuse de sa région et avide de faire découvrir Shikoku aux pèlerins, est un soutien moral sans prix. Les 88 temples traversés sont plus surprenants les uns que les autres : qu’il s’agisse de la salle des trésors (Zentsû-ji), de la grotte sacrée (Muroto), mais encore de pavillons construits au sommet de montagnes ou directement dans la roche (Iwaya-ji).
Le moine Kûkai et le mont Kôya
Au 9ème siècle, en fondant le temple Kongôbu-ji au Mont Kôya ou Kôya-san dans la préfecture de Wakayama, Kûkai désirait établir un monastère à l’écart des distractions du monde, où les moines pourraient prier pour la paix. Perché sur un plateau de 1000 mètres d’altitude, il marque le début (pour les marcheurs les plus aguerris) et l’arrivée de Shikoku Ohenro.
Classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 2004, le Kôya-san abrite un ensemble de monastères dédiés à l’étude et à la pratique du bouddhisme Shingon. Sur 4000 habitants, un quart sont des moines. Ces derniers partagent volontiers leur quotidien avec les visiteurs : hébergement (shukubô), cuisine Shôjin ryôri, prières… Le lieu le plus étonnant reste l’Okuno-in, un cimetière de 200 000 pierres tombales élevées dans une forêt de cèdres. Il s’articule autour du Tôrô-dô, pavillon des lanternes, qui abrite le mausolée de Kûkai.
O-settai
Particularisme du pèlerinage de Shikoku : la population locale organise l’« O-settai ». Les marcheurs peuvent se reposer, profiter de l’accueil chaleureux des stands répartis tout le long d’environ 1300 kilomètres et se restaurer d’une spécialité locale ou d’une boisson, généreusement offertes.