La France et le Japon entretiennent d’excellentes relations. Les deux gouvernements échangent régulièrement sur les grands sujets internationaux. Les populations des deux pays s’apprécient mutuellement. D’où vient cet intérêt commun ? C’est la question à laquelle nous avons tenté de répondre dans ce petit dossier consacré à des aspects méconnus de leurs rapports bilatéraux.
Tout est parti d’une rencontre, il y a plus de 25 ans, par un bel après-midi dans la ville de Yokohama, connue pour avoir été l’un des premiers ports ouverts aux étrangers à la fin du shogunat. Ce jour-là, je rencontrai Nishibori Akira, alors professeur à l’université nationale de Yokohama et spécialiste des échanges franco-japonais. Né un 14 juillet, date de la prise de la Bastille, il a passé son enfance près du cimetière étranger de Yokohama, ce qui lui a valu de se sentir comme lié à la France par un fil certes invisible mais incassable. Il a donc naturellement étudié la langue française et s’est peu à peu spécialisé dans les relations entre la France et le Japon. “La France est le pays qui a le plus contribué à la modernisation de l’archipel, notamment dans les domaines du droit et des techniques industrielles à la fin de l’ère d’Edo et au début de l’ère Meiji. La France a investi dans l’éducation pour transmettre les techniques aux Japonais qui avaient un grand désir d’apprendre, ce qui les rendait très réceptifs à l’enseignement”, explique-t-il. Pour mener à bien sa mission, le professeur Nishibori a arpenté de nombreux cimetières au Japon pour y découvrir les tombes de ces Français venus aider le Japon. Une étape essentielle dans sa démarche pour découvrir des descendants qui lui permettront ensuite de devenir intarissable sur les hommes qui ont permis à son pays de faire un grand bond en avant. Mais ce qu’il apprécie par-dessus tout, c’est d’envoyer aux familles de ces personnages les informations qu’il a recueillies. “En menant mes recherches, l’œuvre de chacun apparaît. cela fait plaisir aux familles, ce qui constitue ma récompense”, dit-il modestement.
Aujourd’hui âgé de 80 ans, Nishibori Akira reste passionné par son projet et c’est toujours un plaisir de l’entendre raconter la vie de ceux qui ont joué un rôle influent dans l’établissement de ces relations si particulières que le Japon et la France entretiennent. S’il est vrai qu’aujourd’hui de nombreux Japonais ont oublié l’apport français à la modernisation de leur pays, il faut reconnaître que les Français ont également perdu la mémoire à ce sujet. C’est pourquoi nous voulions rappeler quelques épisodes de ce passé commun qui n’est pas si lointain. Nous n’avons pas voulu nous intéresser aux échanges récents dont nous parlons déjà assez abondamment et régulièrement, mais plutôt de nous pencher sur les Boissonade, les Lebon et autre Murakami sans lesquels l’histoire entre nos deux pays n’aurait pas été tout à fait la même. C’était aussi l’occasion de rendre hommage à Nishibori Akira et à son inlassable travail. Vingt-cinq ans après notre première rencontre, le souvenir de ces anecdotes sur ces Français passés par Yokosuka ou par Nagasaki ont refait surface alors que nous célébrons en cette année 2015 le 150e anniversaire de l’arrivée au Japon de François-Léonce Verny (voir p. 9) et le 400e anniversaire du premier contact entre la France et le Japon. C’était à Saint-Tropez (voir p. 8) et sans la présence du fameux gendarme.
Odaira Namihei