Pour bien profiter de l’été, les distributeurs vous ont réservé des œuvres à ne pas manquer dans les cinémas.
Après avoir été privés pendant plusieurs mois du plaisir de savourer un bon film sur grand écran, profitons de cet été qui s’annonce déjà très chaud pour profiter des salles de cinéma et faire le plein de fraîcheur et en prendre plein la vue. Comme nous l’avions déjà laissé entendre dans notre précédent numéro, les distributeurs nous réservent une période estivale très japonaise avec des œuvres qui raviront tous les publics.
Même si, au moment où nous mettons sous presse, il reste quelques incertitudes concernant la tenue des Jeux olympiques de Tôkyô déjà reportés d’un an pour cause de crise sanitaire, les amateurs de sport ne manqueront pas le superbe documentaire de Julien Faraut consacré à la fabuleuse équipe japonaise de volley-ball féminine qui a dominé cette discipline pendant plusieurs années et surtout fait rêver toute une nation lors des JO de 1964. Baptisées “les sorcières de l’Orient” (Tôyô no majo), ces joueuses ont réalisé l’exploit de battre les plus grandes nations, l’Union soviétique en tête, alors qu’elles étaient sur le plan physique bien moins athlétiques. L’intérêt de ce film exceptionnel, composé d’images d’archives et de témoignages des survivantes de ce groupe, est justement de nous montrer ce qui leur a permis d’atteindre ce niveau. Leur abnégation, leur sens du groupe, la dynamique créée par leur entraîneur Daimatsu Hirofumi, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale qui était parvenu à survivre dans la jungle birmane pendant des semaines, ne perdant pas un homme de son bataillon, constituent les ingrédients de leur fantastique épopée au cours de laquelle ces joueuses ont enchaîné 258 victoires d’affilée.
Ce qui distingue ce documentaire d’autres films relatant des exploits sportifs, c’est la dimension culturelle qu’il met en avant à travers un montage audacieux rythmé par la musique de Jason Lytle et K-Raw. En effet, “les sorcières de l’Orient” n’ont pas seulement participé à la mise en valeur du Japon sur le plan sportif, elles sont devenues une sorte de symbole d’un pays en pleine transformation dont l’apogée serait atteint deux décennies plus tard. Ces jeunes femmes incarnent l’engagement de tout un peuple pour retrouver sa place parmi les grandes nations du monde. Rien à voir avec le sport actuel fondé sur la personnalisation et la starification individuelle. Elles travaillent à l’usine et s’entraînent tous les jours, parfois jusqu’à l’aube, sous la houlette de “Daimatsu le démon” comme leur entraîneur a été surnommé, en répétant encore et encore jusqu’à l’épuisement des gestes et des techniques, notamment le kaiten reshîbu (réception et rotation) afin de devenir imbattables.
La dimension collective est au cœur de ce documentaire qui met également en évidence le lien qui s’est créé entre cette équipe et les Japonais. Leur succès olympique face aux Soviétiques, lors de la dernière soirée des Jeux, a été par la suite classé par le quotidien Asahi Shimbun comme la cinquième plus grande réussite sportive du XXe siècle, les transforme en héroïnes de manga et de dessin animé. Atakku No.1 [Attaque n°1] fut l’un des grands succès de la culture populaire à la fin des années 1960 (voir Zoom Japon n°97, février 2020). Julien Faraut parvient à construire son film en confondant, grâce au montage, les exploits des volleyeuses de l’équipe nationale et des personnages animés qui s’en sont inspirés. Grâce à cela, le spectateur prend la mesure de l’importance que cette équipe a prise dans l’imaginaire collectif de tout un pays.
Soixante ans plus tard, les joueuses conservent un regard lucide sur ce qu’elles ont accompli. Conscientes de leurs exploits, elles manifestent une humilité dont on voudrait parfois que certains de leurs successeurs dans différentes disciplines s’inspirent. Julien Faraut a réussi à construire un formidable documentaire qu’il faudra montrer et remontrer pour sa dimension très pédagogique. En salles, dès le 28 juillet.
De son côté, Art House poursuit son été Fukada avec la sortie de deux autres films inédits de la star montante du cinéma japonais. Outre Le Soupir des vagues (Umi wo kakeru, 2018) qui raconte le périple de Sachiko en Indonésie dix ans après le tsunami de 2004, le distributeur nous propose une nouvelle pépite du réalisateur de Harmonium. Le film en deux parties intitulées respectivement Suis-moi, je te fuis et Fuis-moi, je te suis (The Real Thing, 2020) illustre une nouvelle fois le caractère ambitieux de ce cinéaste qui ne recule devant aucune expérience pour faire avancer son art. Initialement sortis en 2019 sous la forme d’une mini-série comprenant 10 épisodes d’environ 24 minutes chacun, l’œuvre, basée sur un manga de Hoshisato Mochiru, a été remontée afin de bénéficier d’une sortie en cinéma en 2020. Cela rappelle l’expérience réussie, en 2012, de Kurosawa Kiyoshi avec Shokuzai. Mais il ne s’agit pas d’un thriller, mais d’une étude de personnages comme sait bien le faire Fukada Kôji. La rencontre entre Tsuji et Ukiyo, une jeune femme dont le premier sauve la vie, va profondément bouleverser leur existence à travers une relation dominée par la notion d’évanouissement. Si vous aviez aimé Asako I & II, vous apprécierez aussi ce joli film qui démontre la diversité du talent de ce réalisateur dont Art House nous propose de revoir plusieurs de ses films pendant l’été (Au Revoir l’été, Sayônara, Harmonium et L’infirmière).
Côté reprises, on peut aussi saluer Carlotta dont le travail patrimonial, cette année, va nous permettre de retrouver la trilogie Musashi d’Inagaki Hiroshi dans des versions restaurées. On ne manquera pas La Légende de Musashi (Miyamoto Musashi, 1954), Duel à Ichijôji (Zoku Miyamoto Musashi: Ichijôji no Kettô, 1955) et La Voie de la lumière (Miyamoto Musashi kanketsuhen : Kettô Ganryûjima, 1956) avec l’immense Mifune Toshirô qui fut sans doute le plus grand acteur de films de samouraï. Inagaki Hiroshi livre une œuvre dotée d’un souffle épique puissant qui explique pourquoi le célèbre personnage historique bénéficie encore d’une telle aura dans le pays. A ne pas manquer à partir du 4 août.
Odaira Namihei
Références
LES SORCIÈRES DE L’ORIENT, de Julien Faraut. 1h40. 2021. Le 28 juillet en salles.
LE SOUPIR DES VAGUES (UMI WO KAKERU), de Fukada Kôji, avec Fujioka Dean, Tsuruta Mayu. 1h29. 2018. Sortie le 4 août.
SUIS-MOI, JE TE FUIS et fuis-moi, je te suis (The Real Thing), de Fukada Kôji, avec Morisaki Win, Tsuchimura Kaho, Uno Shôsei. 1h45 et 1h45. 2020.
Le 18 et 25 août au cinéma.