Pour la première fois de son histoire, le groupe tokyoïte va tenter de conquérir
le cœur des Européens.
Le rock et le rhythm & blues ne manquent pas de bons représentants sur la scène japonaise, mais peu de groupes ont connu le même succès que The Bawdies. Ce quatuor stylé originaire de Tôkyô est composé de Ryo “Roy” Watanabe (basse, chant), Taku “Taxman” Funayama (guitare, chant), Yoshihiko “Jim” Kimura (guitare, chant) et Masahiko “Marcy” Yamaguchi (batterie, chant). Il a réussi à séduire de très nombreux fans avec son rock’n roll énergique et contagieux. Nous avons rencontré les quatre musiciens à Shibuya, au siège de JVC, leur maison de disque, avant qu’ils n’entament leur première tournée européenne qui les conduira à Belfort pour les Eurockéennes, à Paris et à Londres.
Il paraît que vous vous connaissez depuis longtemps…
Roy : C’est vrai. Jim, Marcy et moi, on se connaît depuis l’école primaire. Nous avons fréquenté la même école pendant 12 ans. Pour ainsi dire, nous avons grandi ensemble. On pourrait même dire que nous sommes comme des frères. Pendant toutes ces années, nous avons même joué au basket ensemble. Je crois que cette expérience a rendu notre amitié encore plus forte. Taxman a rejoint le gang plus tard quand nous l’avons rencontré au lycée.
Comment se sont passées les premières années entre vous ?
Roy : On passait notre temps à jouer au basket. Nous aimions aussi la musique bien sûr, en particulier des groupes comme NOFX et Green Day, ou encore le groupe japonais Hi-Standard. Nous avions aussi l’habitude d’aller au Fuji Rock Festival. Au lycée, on a commencé à jouer de la guitare, mais nous ne nous étions pas encore pris au jeu. Certains de nos amis, par exemple, avaient déjà formé leurs propres groupes, mais pour nous, c’est le basket-ball qui comptait le plus.
A quel moment la musique a-t-elle pris le dessus sur le basket ?
Roy : Lorsque nous avons terminé le lycée, nous avons aussi laissé tomber le basket. Mais nous voulions trouver une activité à travers laquelle nous pourrions canaliser notre énergie. Un jour, Jim et moi étions dans un magasin de disques quand nous avons entendu une chanson des Sonics, un groupe américain des années 1960 dont nous n’avions jamais entendu parler auparavant. Ça nous a complètement scotchés. Nous n’avions jamais imaginé qu’il puisse exister, il y a 50 ans, bien avant que le punk n’apparaisse, des groupes capables de jouer une musique aussi intense et puissante. Nous sommes instantanément devenus accros.
Et vous avez décidé de créer tout de suite un groupe ?
Roy : En fait notre première réaction a été de faire la promotion de cette musique. Nous étions sûrs que beaucoup d’autres jeunes comme nous, surtout au Japon, auraient la même réaction que nous en écoutant ces chansons. Le problème était que nous ne connaissions rien sur les Sonics. Nous savions seulement que le groupe avait sans doute cessé d’exister il y a des années et qu’il ne se produisait plus. Nous avons donc décidé de faire autre chose de bien plus intelligent, à savoir de former notre propre groupe et de laisser les gens découvrir cette musique grâce à nous.
Vous étiez alors à l’université ?
Roy : Oui. The Bawdies a officiellement vu le jour en 2004, mais avant cela, nous avons passé trois années à répéter et à perfectionner nos compétences. J’ai baptisé cette époque notre “sakoku jidai” [période d’isolement, en référence à la fermeture du Japon entre le XVIIe et le milieu du XIXe siècle]. Pendant ces trois ans, nous n’avons jamais fait de concert. Nous avons passé tout notre temps à écouter la musique rock des années 1950 et 1960 (Chuck Berry, Little Richard, etc.) et à nous entraîner à jouer à la manière des Beatles et des Rolling Stones. Plutôt que chercher à jouer simplement ces chansons et ces artistes, nous voulions atteindre un stade qui nous permette de reproduire parfaitement ces œuvres. A cette époque, nous ne pensions pas à passer pro, voire même à gagner de l’argent. Nous étions juste obsédés par l’écoute et l’exécution de cette musique.
Au Japon, les groupes revivalistes ne manquent pas. En quoi The Bawdies se distingue de formations comme The Birthday ou The Predators ?
Roy : La plupart des groupes japonais ont été influencés par les mods britanniques et d’autres groupes de rock blancs. Dans notre cas, nous apprécions particulièrement la musique noire (soul, R & B) et des musiciens de rock noirs comme Chuck Berry. Aujourd’hui, il y a bien quelques groupes japonais qui s’intéressent à ces artistes, mais quand nous avons commencé, nous étions les seuls.
Je trouve que votre style vocal convient très bien à votre genre musical. Est-ce qu’il en a été toujours ainsi ?
Roy : Non, pas vraiment (rires). Comme vous pouvez le voir, quand je parle comme maintenant, ma voix est assez différente de la façon dont elle sonne sur un disque. Je pense que les jeunes du monde entier aiment imiter leurs chanteurs préférés. Vous pouvez vous en rendre compte chaque fois que quelqu’un chante dans un karaoké. Dans mon cas, j’ai toujours beaucoup apprécié Ray Charles et Otis Reading. Pendant notre “période d’isolement”, je me suis efforcé de chanter comme eux, jour après jour, jusqu’à ce que je finisse par atteindre le style vocal que vous pouvez entendre sur nos CD ou en concert.
Dans tous les groupes où l’on trouve deux guitares, il existe une complicité particulière entre les guitaristes. Est-ce la même chose avec Jim et Taxman ?
Taxman : Nous n’avons pas déterminé de rôles fixes. Cela dépend de chaque chanson. Parfois, c’est moi qui mène, et d’autres fois c’est au tour de Jim. En tout cas, notre objectif est de parvenir à chaque fois à obtenir le meilleur arrangement et la meilleure solution musicale.
Vous pouvez nous parler du style de Jim ?
Taxman : En un sens, il incarne l’esprit du groupe. En concert, c’est souvent lui qui bouge le plus sur scène. Il a vraiment assimilé le style des groupes de garage.
Qu’en est-il pour Taxman ?
Jim : Taxman est un guitariste extrêmement doué. Il joue vraiment bien. Mais sa meilleure qualité est de ne pas étaler son talent et de s’exprimer de façon simple. Il n’est pas frimeur et met toujours ses compétences au service du groupe.
Taxman, c’est quoi cette “Dylan connexion” dont on parle à votre sujet ?
Taxman : Ha ha ! Il se trouve que j’ai les cheveux naturellement bouclés, ce qui est assez inhabituel au Japon. Au fil des années, j’ai essayé différentes coiffures et finalement j’ai décidé de me coiffer à la Bob Dylan qui est l’un de mes héros. J’aime aussi Jimi Hendrix. Un jour, en lisant un livre sur lui, j’ai découvert que lui aussi avait adapté sa coiffure en fonction de Dylan qu’il admirait beaucoup. C’est comme ça que je me suis rendu compte qu’il y avait un lien profond entre Jimi, Bob et moi-même (rire de tout le monde).
Marcy, vous avez l’air plus tranquille que les autres. En ce sens, vous me rappelez Ringo Star des Beatles.Marcy : Il est vrai que, par nature, je n’aime pas trop être sous le feu des projecteurs. Je préfère plutôt rester en retrait. Je crois que ça vaut pour le reste du groupe aussi. Être le batteur me permet de contribuer à la construction de notre musique sans avoir à se me mettre trop en avant. C’est le rôle que je laisse volontiers aux trois autres membres. Alors bien sûr, j’ai une relation plus étroite avec Roy parce que nous sommes la section rythmique. Il y a donc une interaction plus étroite entre nous.
Puisque nous évoquons l’alchimie au sein du groupe, est-ce que le rôle de chacun a été établi dès le début ?
Roy : Dès le début, Jim avait exprimé son envie de jouer de la guitare. Quant à moi, c’est le chant qui me plaisait plus que toute autre chose. Mais comme à l’époque, nous n’étions que trois, je devais jouer d’un instrument de toute façon et j’ai choisi la basse. Marcy n’avait pas le choix non plus. Il a dû se mettre à la batterie.
Marcy : En d’autres termes, je n’ai pas choisi la batterie. Je peux même dire que cela ne m’intéressait pas plus que ça. On me l’a imposée. (tout le monde rit). Cela dit, cela me convient très bien, comme je l’ai dit, parce que cela me permet de rester dans l’ombre, de sorte que je ne peux pas vraiment me plaindre.
Depuis votre premier disque en 2006, vous avez sorti huit albums. Avez-vous le sentiment que votre musique a évolué au cours de ces années ?
Roy : Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, au début, il était surtout question de nous rapprocher autant que possible de la musique que nous aimions. Cette influence est encore là, mais je crois que nous avons été en mesure de développer lentement mais sûrement notre propre son et de créer notre propre marque de rock’n’roll. Je peux dire la même chose pour ma voix. Il fut un temps où je voulais consciemment chanter comme Ray Charles ou Sam Cooke selon la chanson que j’interprétais. Mais après avoir assimilé toutes ces influences, j’en suis arrivé à un point tel que je peux enfin m’affirmer.
C’est votre première tournée européenne, mais vous avez déjà joué à l’étranger.
Roy : Oui. Nous nous sommes produits en Corée, à Taïwan, à Hong Kong et en Australie.
Et comment s’est passée cette tournée australienne ?
Roy : Nous y sommes allés deux fois. La première fois, en 2007, nous connaissions un groupe punk japonais, Mach Pelican, installé à Melbourne. Ils connaissaient bien la scène locale et donnaient un coup de main aux groupes japonais qui voulaient faire des tournées dans ce pays. L’Australie dispose aussi d’une scène de garage rock bien pourvue. Nous avons pensé que les Australiens apprécieraient notre rock’n’roll. Un an plus tard, nous avons été invités au Queenscliff Music Festival.
Comment se sent-on de jouer devant des audiences variées ?
Roy : Le public asiatique est assez proche de nos fans japonais. C’est vrai qu’ils ne nous connaissent pas aussi bien. Aussi lorsqu’on joue devant lui, on fait un bond dans le passé. Ça nous ramène à l’époque où nous avons commencé au Japon. Les Australiens aiment s’amuser. Ils sont très ouverts et n’ont absolument aucun préjugé. La musique rock fait partie de leur culture et de leur vie quotidienne. C’est quelque chose que l’on peut vraiment sentir. Ils sont très spontanés dans leur approche de la musique. Espérons que nous serons en mesure d’obtenir le même genre de réactions en Europe.
Propos recueillis par Jean Derome
Infos pratiques :
The Bawdies sera au Pitcher de Dusseldorf en Allemagne le 3 juillet avant de débarquer aux Eurockéennes de Belfort le 4 juillet sur la scène de la plage. Le 5 juillet à 20h, le groupe se produira à la Boule noire à Paris.
www.laboule-noire.fr/spectacle/the-bawdies/
Vous pourrez les retrouver à Londres le 7 juillet à 19h au Underworld de Camden avec comme special guest un autre groupe nippon Bo Ningen.
www.theunderworldcamden.co.uk/gigs/events/7-jul-15-the-bawdies-the-underworld/