Pour Asaka Akira, si l’ancien Premier ministre reste l’un des hommes politiques les plus populaires du pays, c’est d’abord dû à son parcours. Fils d’un simple marchand de chevaux, il est le seul à avoir conquis ce poste sans avoir fait d’études supérieures. Contrairement à l’écrasante majorité des politiciens japonais, il n’est pas l’héritier d’un clan installé dans les arcanes du pouvoir depuis des générations. “Il a prouvé par sa carrière que l’on peut toujours se frayer un chemin à force d’efforts. C’est une figure unique dans l’histoire du pays”, poursuit Asaka Akira plein d’admiration.
Par ses exploits, allant de la construction du réseau routier à la normalisation des relations diplomatiques avec la Chine, en passant par une avancée majeure sur le dossier épineux des îles Kouriles, Tanaka Kakuei était redouté par ses adversaires et révéré par ses proches. Cette brillante carrière sera pourtant brutalement ruinée par l’affaire Lockheed. Soupçonné d’avoir favorisé l’achat d’avions du groupe américain par une compagnie aérienne japonaise en échange de 500 millions de yens, il sera condamné à quatre ans d’emprisonnement. Rejetant toute implication dans l’affaire, il a immédiatement fait appel. Mais un accident vasculaire cérébral a anéanti définitivement son espoir de revenir sur le devant de la scène. Il décède, en 1993 d’une pneumonie, à l’âge de 75 ans.
“En tant qu’homme politique, il a conquis le sommet de l’Everest, mais il a fini par tomber jusqu’au fond du gouffre. C’est cet incroyable contraste qui touche les Japonais au plus profond de leur âme”, estime son ancien secrétaire qui l’a accompagné tout au long de sa carrière. “Connaissez-vous la source de sa passion ?” demande-t-il. “Il voulait avant tout sortir sa région natale, Niigata, de la misère en lui offrant les bienfaits de la croissance économique de l’après-guerre.” La vie de Tanaka Kakuei est en effet portée par cette obsession. Il ne cessait de lutter pour casser le cercle vicieux de la concentration des biens et de la population autour des grandes villes. Comme s’il avait su que, des décennies plus tard, la dépopulation deviendrait un problème majeur et une menace pour le pays. C’est ce côté visionnaire de l’ancien Premier ministre qu’Ishihara Shintarô ne cesse de louer dans son livre Tensai. “Tanaka avait un flair vraiment particulier qui lui permettait de sentir l’avenir, contrairement aux politiciens d’aujourd’hui qui en sont totalement dépourvus”, a-t-il déclaré dans une récente interview. La vision de Tanaka sur l’avenir du Japon, on peut la retrouver dans son livre publié en 1972 qui reprend les grandes lignes de sa politique, Le Pari japonais : construire un nouveau Japon [Nippon retto kaizôron, paru en France aux Presses de la Cité]. A la tête de son propre courant au sein du Parti libéral-démocrate (PLD), il rêvait d’industrialiser la province japonaise par un puissant réseau d’autoroutes et de trains à grande vitesse, afin d’enrayer les méfaits du dépeuplement des zones rurales qui commençaient déjà à se manifester à l’époque.
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