L’occasion s’est présentée parce que le Musée Bridgestone, fondé en 1952 en plein cœur de Tôkyô par Ishibashi Shôjirô, est actuellement en travaux et que ses dirigeants ainsi que ceux du musée de l’Orangerie souhaitaient consolider les liens créés en 2012 autour de l’exposition Debussy, la musique et les arts. “De nombreuses toiles du musée d’Orsay et de celui de l’Orangerie avaient alors côtoyé celles de notre musée. La réussite de cette opération nous a convaincus de poursuivre la collaboration. L’exposition qui se déroule actuellement à Paris en est la meilleure illustration”, se félicite Shimbata Yasuhide. Forte de 2 600 œuvres, la collection Ishibashi a de quoi contenter les amateurs d’art les plus difficiles d’autant que les successeurs d’Ishibashi Shôjirô, son fils Kan’ichirô et son petit-fils Hiroshi, ont poursuivi son enrichissement en l’ouvrant notamment à l’art moderne jusqu’à l’abstraction d’après-guerre. Mais pour l’exposition à l’Orangerie sobrement intitulée Tokyo – Paris : Chefs-d’oeuvre du Bridgestone Museum, Collection Ishibashi Foundation, les organisateurs ont choisi de mettre l’accent sur les œuvres de la période impressionniste pour lesquelles le fondateur de la dynastie industrielle avait un profond attachement. “Les débuts de ma collection remontent aux environs de 1930. Si, au début, mon intérêt allait aux peintures à l’huile japonaises, s’élargissant peu à peu, il s’est étendu aux peintures et aux sculptures de l’Europe. Cependant les œuvres qui s’accordaient tout particulièrement à mon goût s’ordonnaient toutes autour d’un même centre : l’école française des Impressionnistes. En rassemblant ma collection, j’ai donc fait porter en ce sens le principal de mon effort”, expliquait ce dernier en 1962.
Un effort récompensé par une merveilleuse collection dont on peut voir quelques joyaux tels que Mademoiselle Georgette Charpentier assise de Renoir, un des rares autoportraits de Manet, Portrait de Manet par lui-même, un très beau portrait de Degas, Portrait de Léopold Levert, mais aussi plusieurs œuvres majeures de Monet de la période impressionniste aux Nymphéas, ainsi que des œuvres de Sisley et de Pissarro. A moins de pouvoir retourner à Tôkyô pour l’inauguration des nouveaux bâtiments du Musée Bridgestone prévue à l’automne 2019, il est donc plus que recommandé de se rendre au musée de l’Orangerie pour y admirer tous ces chefs-d’œuvre qui sortent si rarement de l’archipel. Shimbata Yasuhide, le conservateur en chef du Musée Bridgestone, est d’ailleurs conscient de la nécessité de faire mieux connaître la collection dont il a la responsabilité. D’une part, cela permet de renforcer l’image de son établissement et de démontrer la qualité de sa collection sans doute encore sous-estimée. D’autre part, un événement de cette nature lui donne la possibilité de montrer une des faces les plus méconnues de l’art japonais, à savoir le yôga ou peinture moderne japonaise de style occidental. On l’a souligné, Ishibashi Shôjirô a débuté sa collection en s’intéressant à ces artistes qui, comme lui, participent au développement des échanges entre le Japon et le reste du monde, en particulier l’Europe et la France. Shimbata Yasuhide ne pouvait pas imaginer de ne pas accorder une place à ces peintres dont plusieurs œuvres exposées à Paris sont classées comme “biens culturels importants”, un titre qui souligne la place particulière qu’ils occupent dans l’histoire culturelle de l’archipel. Parmi les toiles présentées à l’Orangerie, on peut citer Éventail noir de Fujishima Takeji ou encore Trois chevaux paissant de Sakamoto Hanjirô. Le découpage de l’exposition permet de comprendre le cheminement intellectuel qui a conduit les membres de la famille Ishibashi à constituer cette magnifique collection. Et pour en garder un excellent souvenir, le catalogue de l’exposition coédité par le musée de l’Orangerie et Hazan n’est pas superflu.
Odaira Namihei
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