La modernisation des transports contribue aussi au rapprochement franco-japonais. En novembre 1952 est inaugurée la première liaison hebdomadaire Paris-Tôkyô, vol qui s’effectue alors à bord d’un quadrimoteur Lockheed Constellation faisant escale à Beyrouth, Karachi et Saigon ! Un plan de vol qui paraîtra d’un autre temps en avril 1986, lorsque Air France inaugure une liaison directe reliant les deux capitales en moins de douze heures, intensifiant les échanges dans les deux sens. Un grand concours organisé en 1989 pour la création d’un symbole France-Japon en témoigne. Patrick Berger, l’architecte de la canopée des Halles, remporte la compétition avec une énorme table en granit longue de 400 mètres, qui aurait dû surplomber la mer Intérieure. Le projet ne sera jamais construit.
Reste que l’avion est loin d’être un moyen de transport démocratique en 1965, année ou un ancien camionneur-boxeur d’Ôsaka âgé de 24 ans décide d’aller rencontrer Le Corbusier – toujours lui – dont l’œuvre, découverte dans un livre, lui a donné la vocation d’architecte. Désargenté, Andô Tadao, car c’est de lui qu’il s’agit, traverse l’Asie et l’Europe en Transsibérien, n’arrivant en France que pour apprendre le décès de son idole, survenu quelques semaines auparavant. Andô nommera son chien Le Corbusier – les taches brunes de l’animal lui rappelaient une chaise dessinée par l’architecte – et reviendra à Paris pour des projets ou des expositions. C’est celle organisée par l’IFA en 1982 qui le rendra célèbre dans l’archipel. En 1995, Andô demandera à recevoir le Pritzker au château de Versailles. Il travaille actuellement sur le projet de Fondation Pinault dans l’ancienne bourse du travail, dans le quartier des Halles.
Les concours organisés à Paris vont attirer les architectes japonais en quête de débouchés à l’export après le choc pétrolier de 1973. Sur le concours du Centre Georges Pompidou, on retrouve principalement les “Métabolistes”, architectes qui avaient imaginé à l’issue de la WoDeCo (World design conference) des systèmes constructifs pouvant offrir des débouchés à l’industrie nationale. L’immeuble capsule de Tôkyô constitue le bâtiment le plus emblématique de ce mouvement (voir Zoom Japon, n°66, décembre 2016). Son concepteur, Kurokawa Kishô, propose pour Beaubourg un projet fait d’une suite de modules à plan carré arrangés en gradin, définissant une sorte de pyramide dont l’accès s’effectue par un escalator qui conduit à son sommet. On retrouve aussi les architectes japonais sur le contestataire concours proposant un contre-projet pour les Halles, une alternative au projet officiel voulu par le président Giscard d’Estaing. Les grands projets mitterrandiens attirent de nouveau les architectes japonais – grande arche, grande bibliothèque, jardin de La Villette, Opéra Bastille… Dans ces compétitions ouvertes à tous apparaissent des noms plus ou moins connus : Maeno Nozomu, Katô Takashi, Onuma Iwao pour les moins célèbres, Team Zoo, Kurokawa Kishô pour les plus célèbres. Tange Kenzô livre un étonnant projet pour le siège de la société Bouygues à l’occasion d’un concours restreint à cinq participants. Parce qu’il avait ouvert une agence à Paris, Tange tient une place à part dans ce panorama : le très nipponophile Jacques Chirac devenu maire de Paris en 1977 l’avait invité à construire le projet de Grand Écran Italie. Prises dans leur ensemble, ces propositions invitent à imaginer un autre Paris en se livrant au jeu des “et si… “. Et si Kurokawa avait remporté le concours de l’Opéra Bastille ? Et si l’on avait construit le “cirque sur la Seine” de Shinohara Kazuo, ou les sept tours imaginés par Yamamoto Riken ? Ces deux projets très poétiques proposés dans le cadre d’un appel à idée “Paris – architecture et utopie”, où les architectes étaient invités à laisser libre cours à leur imagination.
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