Hayashi et Tezuka, c’est une vieille histoire, mais elle résume le vécu de millions de Japonais. Enfant, il était comme bien d’autres enfants épris de mangas de l’artiste à l’instar d’Astro, le petit robot. Il va pourtant par la suite laisser de côté cette passion d’enfance. “A l’époque, le manga était considéré comme quelque chose pour enfants”, se rappelle-t-il. Il continuait cependant de feuilleter de temps à autre les œuvres de Tezuka, mais cela s’arrêtait là. Il ne pensait pas du tout à devenir collectionneur. Il faudra attendre une vingtaine d’années pour que sa passion pour le mangaka s’installe définitivement.
Pour ses 30 ans, une libraire d’occasion s’est installée à deux pas de chez lui. L’amateur de lecture qu’il était n’a pas manqué d’aller y jeter un coup d’œil, et il y a trouvé de vieux mangas de Tezuka. C’est ainsi qu’il a commencé sa “carrière” de collectionneur. D’abord il se contentait d’acheter des livres mais il n’a pas tardé à passer aux produits dérivés. “Chez des librairies d’occasion et des antiquaires, j’ai retrouvé les produits que j’avais dans mon enfance”. De fait, des autocollants aux pulls, en passant par des cartes à jouer et des jouets en fer-blanc, la variété de ces produits semble infinie. Marqué par cette variété, il a commencé à faire le tour des antiquaires le week-end, et ce dans tout le pays. “Je couvre notamment la zone de Nagoya, d’Ôsaka et de Kyôto. Je vais parfois à Tôkyô aussi”, raconte-t-il. Il scrute souvent les sites d’enchères sur Internet, ce qui s’avère plus efficace pour ses recherches. Sa collection étant déjà immense, la plupart des objets que vendent les libraires d’occasion ne l’intéressent plus beaucoup. Combien cette passion lui a coûté jusqu’à présent ? A cette question visiblement un peu sensible, il fronce ses sourcils. “Probablement plus de 10 millions de yens [un peu moins de 75 000 euros], frais de transport compris”, admet-il. Et si l’on ajoute les frais de stockage ? “Ah, je n’ai même pas envie de faire le calcul”, rit-il, un peu vexé.
Dans le milieu des collectionneurs, Hayashi Shinji passe pour un spécialiste des objets datant des années 1950 et 1960. Des choses aussi anciennes peuvent coûter facilement des centaines d’euros mais peu importe. “L’odeur particulière des vieux livres, la mauvaise qualité d’encre, ce genre de choses uniques liées aux produits de l’époque me rendent fou”, confesse-t-il. En effet, aux yeux de Hayashi Shinji, ces objets rappellent le bon vieux temps de son enfance et un Japon “en plein essor économique, plus humain et dynamique”. Sa passion pour les objets de l’époque est telle que, quand il en trouve un, il s’adresse à lui en disant : “je suis heureux que tu aies survécu 60 ans pour venir enfin chez moi !”.
S’il a mis autant de temps et d’argent pour collectionner ces innombrables objets, c’est que pour lui, Tezuka Osamu est beaucoup plus qu’un grand artiste. “Pour moi, c’est presque un Dieu”, confesse le collectionneur. C’est avec des œuvres de Tezuka, surtout celles qui sont philosophiques comme Phénix, l’oiseau de feu ou Black Jack, qu’il aurait appris à vivre. “Quand j’étais petit, je trouvais le récit de Phénix, l’oiseau de feu presque indigeste. Mais aujourd’hui, le manga a un sens complètement différent, surtout parce que j’ai perdu ma mère il y a quelques années. Cela m’a fait beaucoup réfléchir sur le fait que la mort nous frappe tous un jour ou l’autre”, raconte-t-il.
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