Lors des fêtes locales, il n’était pas rare d’organiser des concours au cours desquels les agriculteurs, fiers de leurs chevaux, les mesuraient à ceux de leurs voisins dans diverses épreuves. L’une d’elles consistait à choisir un tronc d’arbre d’un poids élevé et d’y attacher à chaque extrémité un cheval qui devait ensuite tirer la charge. Celui qui remportait l’épreuve était celui qui parvenait à faire reculer l’autre. On mesurait aussi leur puissance en les attachant directement l’un à l’autre et en leur ordonnant de tirer chacun de leur côté. Ces démonstrations de force attiraient beaucoup de monde et le public s’extasiait devant les efforts fournis par ces animaux de trait qu’ils croisaient souvent sur les chemins transportant différentes charges. C’est d’ailleurs du concept de tirer des marchandises lourdes et encombrantes qu’est née l’expression “Ban’ei” qui désigne aujourd’hui ces courses de chevaux uniques en leur genre dans le monde qui se déroulent désormais à Obihiro, au cœur de l’île septentrionale. Les deux caractères chinois, “ban 輓” et “ei 曳”, utilisés alors exprimaient l’idée de tirer des objets pesants. De nos jours, on a renoncé à l’usage des caractères au profit des hiraganas, mais les gens qui viennent assister aux courses comprennent parfaitement de quoi il s’agit même s’ils ne savent sans doute pas pour la plupart leur origine. Ils ne se rendent pas à l’hippodrome pour y voir des courses de chevaux montés (noriuma), mais des compétitions entre chevaux de trait (banba ou hikiuma).
Les Percherons et autres Brabançons ont disparu pour laisser place à des races locales nées de croisements. On parlait alors de demi-sang (hanketsu). Depuis 2003, l’appellation cheval de trait japonais (nihon benkeishu ou nichiban) est aussi de mise. Ils concourent désormais chaque semaine sur la piste d’Obihiro devant un public nombreux qui reste souvent bouche bée devant la débauche d’énergie que ces chevaux – Kage, Kurige, Aoge ou Ashige –fournissent pour terminer en tête. Ici, la vitesse n’a pas d’importance et on apprécie surtout la puissance dégagée par ces animaux qui doivent parcourir 200 mètres en tirant des charges pouvant atteindre jusqu’à 740 kg en fonction de leur âge et dans les courses ordinaires. Elles peuvent monter jusqu’à 1 000 kg pour les deux épreuves phares : l’Obihiro kinen début janvier et le Ban’ei kinen fin mars en clôture de la saison. Il s’agit aussi d’une course d’obstacles qui ont la forme de deux monticules. Le premier mesure 1 m tandis que le second culmine à 1,60 m. C’est évidemment lorsque les chevaux arrivent devant celui-ci, à quelques dizaines de mètres du poteau d’arrivée que les choses se corsent. Bien souvent, on les voit caler dans la montée en quête d’un second souffle pendant que les jockeys les encouragent à avancer et le franchir. Il existe une véritable cohésion entre l’homme et l’animal, et on mesure combien celle-ci est importante pour l’obtention de la victoire finale. C’est quelque chose que l’on peut vraiment ressentir lorsqu’on se trouve au bord de la piste et qu’on observe le couple pendant les quelques minutes que dure la course.