Comment avez-vous fini par travailler pour la chaîne publique de télévision NHK ?
M. Y. : Au lycée, j’avais lu un livre du journaliste américain Bob Greene. J’avais été vraiment impressionnée par les idées qu’il développait comme celle de “gagner par la gentillesse” au lieu de gagner par la force. Cela m’a fait comprendre que la vie quotidienne était pleine de drames, et même de petits événements dont on pouvait parler. Cela m’a donné l’idée de faire un documentaire. J’ai écrit le scénario et je l’ai apporté à la NHK sans rendez-vous (rires). Bien sûr, on m’a pris de haut, mais un producteur qui passait par là m’a emmené dans un café voisin pour écouter mon histoire. Il a été très impressionné et m’a encouragée à passer le concours d’entrée que j’ai réussi. C’est comme ça que je suis devenue employée de la NHK. Pour moi, gagner un salaire mensuel tout en faisant ce que j’aimais était un rêve. A l’époque, on était encouragé à développer ses propres idées, alors j’ai écrit un script après l’autre. Lorsqu’il était retenu, on vous laissait le tourner. C’est ainsi que j’ai réalisé mon premier documentaire seulement six mois après mon entrée à la NHK. Au bout du compte, j’ai décidé de partir parce que je voulais être libre de réaliser mes propres projets en choisissant mes collaborateurs et en faisant les choses à ma façon.
Aimeriez-vous avoir la possibilité de faire d’autres documentaires ?
M. Y. : Quand j’étais à la NHK, j’ai couvert le séisme de 1995 à Kôbe. Il serait intéressant de voir comment la situation a évolué depuis sous forme d’un documentaire ou d’un long métrage.
Vous avez passé 11 ans à la NHK. Quelle influence cette expérience a-t-elle eu sur votre travail de cinéaste ?
M. Y. : Cela m’a permis de mieux comprendre ce que l’on appelle le “facteur humain”. Lorsque je tournais ces films en 8 mm pendant mes études universitaires, je n’avais aucune idée de la façon dont les gens exprimaient leurs sentiments. C’est ce que j’ai appris le plus au cours de ces 11 années. Lorsque vous réalisez un long métrage, les acteurs surjouent parfois ou dramatisent certaines choses. Mais quand vous faites un documentaire, vous avez une chance de voir comment les gens réels expriment leurs sentiments.
Maintenant que vous êtes réalisatrice indépendante, vous êtes libre de travailler sur vos propres projets, mais je suppose que ce n’est pas toujours facile de les faire aboutir.
M. Y. : En effet, cela peut être une expérience exténuante. Par exemple, il m’a fallu environ 10 ans pour faire Tsukuroi tatsu hito (A Stitch of Life, 2015). Ma première tentative, basée sur mon scénario, a échoué lorsque nous n’avons pas trouvé assez d’argent pour le tournage. Nous avons dû attendre deux ans de plus jusqu’à ce que nous puissions couvrir tous les coûts de production. Même la mise en chantier d’Osanago warera ni umare (Dear Etranger, 2017) a été très longue.
Je suppose que vos histoires de gens ordinaires qui affrontent la vie de tous les jours sont difficiles à vendre.
M. Y. : Je sais que la plupart des sponsors et des investisseurs préfèrent des histoires plus dramatiques, comme des polars ou des films d’action. Je préfère décrire de façon plus subtile les petits changements qui se produisent dans la vie des gens, leurs petits drames. De telles histoires sont certainement plus difficiles à réaliser, mais je dois dire qu’aucun producteur n’a jamais perdu d’argent avec mes films (rires).
Shiawase no Pan (Bread of Happiness, 2012) et Budô no Namida (A Drop of the Grapevine, 2014) font partie d’une trilogie qui se déroule à Hokkaidô (voir Zoom Japon, n°78 mars 2018). Quand prévoyez-vous de tourner le dernier volet ?
M. Y. : Je travaille déjà dessus, mais il sera différent des deux premiers films qui baignaient dans une sorte d’atmosphère rêveuse et fantastique. Ce sera plus réaliste. Réunir les fonds est loin d’être facile, mais j’espère commencer à tourner rapidement.
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