Selon Odaira Shunji, la raison de ce succès est avant tout la qualité du riz utilisé, cultivé localement, considéré comme l’un des meilleures que l’on puisse trouver dans le pays. Ensuite, le choix d’un polissage plus important afin d’obtenir un goût plus noble et plus sec. Ce que les habitants surnomment le “Niigata Tanrei”. “Depuis une trentaine d’années, nous avons pris le parti de miser sur un éventail de savoir-faire qui favorisent la production de sakés de grande qualité et aujourd’hui, ce sont eux qui se vendent le plus. Les Japonais consomment certes moins de saké en quantité, mais ils sont prêts à investir davantage dans des qualités supérieures.” La classification des catégories de sakés s’accorde au degré de polissage du grain de riz, le cœur étant la partie la plus concentrée en amidon. Le riz d’entrée de gamme, le junmai shu, est poli à 70 % ou plus. Pour le saké dit tokubetsu-junmai-shu, on utilise du riz poli à 60 % ou plus. Pour le junmai ginjô-shu, moins de 60 %. Et enfin pour le meilleur, le junmai daiginjô, il s’agira de riz poli à 50 % ou moins.
“Pour certains de nos sakés, nous sommes descendus jusque 35 % de polissage des grains de riz”, précise Kitazawa Akiko alors qu’elle entre dans les salles de confection de la brasserie où elle travaille. La maison Imayo Tsukasa se dresse en plein cœur de la ville de Niigata. Fondé en 1767, l’établissement est une institution dans l’archipel et impose le respect à celui qui franchit la majestueuse porte d’entrée. Très vite, les effluves de riz et le parfum du bois, qui compose entièrement le bâtiment, chatouillent les narines. “Une légende raconte que la brasserie Imayo Tsukasa était autrefois lovée dans une montagne toute proche, sans que personne ne sache où exactement, poursuit la porte-parole de la brasserie. Elle a déménagé ici durant l’ère Edo, puis s’est agrandie autour de cette structure en bois.” Tout au fond de la brasserie, un petit autel trône sur une mezzanine accessible par une échelle abrupte. “C’est ici que nous venons prier le dieu du saké dont le temple se trouve à Nara”, confie-t-elle. Une faible fluctuation de température peut mettre en péril tout le processus de fermentation et ainsi la production de l’alcool. Cela explique qu’on prie pour que tout se passe bien et que le goût soit parfait lors de la mise en bouteille. A Niigata, plus qu’un savoir-faire ancestral, le saké est une religion.
Et ce n’est pas Obata Rumiko qui dira le contraire. Héritière de la brasserie Obata Shuzô qui produit le célèbre saké Manotsuru, elle est la seule femme à diriger un établissement de ce type dans la préfecture. Présente au “ Saké no jin”, un large sourire aux lèvres, elle est sur le terrain pour faire déguster le cru de sa famille aux visiteurs. Son regard bienveillant trahit une fierté certaine de représenter l’île de Sado dont elle est originaire et un caractère bien trempé. Au début, elle ne se destinait pas du tout à ce métier difficile. “J’ai fait des études dans la communication et le cinéma dont je suis passionnée, explique-t-elle. J’ai mené ma carrière, à Tôkyô, jusqu’à mes 28 ans. Puis mon père est tombé malade brutalement. J’ai eu peur, je me suis rendue compte que sa vie n’était pas éternelle.” Elle est alors rentrée à Sado dans le but de reprendre la brasserie de sa famille fondée en 1892. Aujourd’hui, son père se porte comme un charme et elle ne regrette pas son choix une demie-seconde.
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