La préfecture de Niigata abrite le plus grand nombre de brasseries avec quelque 90 établissements.
Il est 9 h 40 ce samedi-là, dans la ville portuaire de Niigata, bordée par la mer du Japon. Plantées devant le centre de convention Toki Messe, des files ininterrompues de personnes attendent avec frénésie l’ouverture du “Sake no jin”, le plus grand salon de saké du Japon. Organisé depuis quinze ans, le festival propose de découvrir et de goûter les sakés produits par 85 des 90 brasseries de la préfecture de Niigata, soit la fine fleur du nihonshu. Lorsque les portes d’entrée du Toki Messe s’ouvrent, c’est en courant que les premiers festivaliers, qui ont parfois attendu plus de deux heures, atteindront les stands des producteurs, rompus à l’événement. Sur les deux jours, ces derniers verront défiler 130 000 visiteurs et le célèbre breuvage japonais coulera à flot dans une ambiance de fête très arrosée.
A Niigata, où l’hiver rigoureux et enneigé règne six mois de l’année, on dit qu’un tel climat est primordial pour mériter un bon saké. L’emblématique boisson japonaise “est l’harmonie parfaite entre le riz et l’eau, rappelle Kitazawa Akiko, porte-parole de la brasserie historique Imayo Tsukasa. Le savoir-faire réside dans le choix du riz, son degré de polissage, la qualité de l’eau utilisée et la maîtrise de la fermentation.” Et c’est tout. La clé de la noblesse de la boisson est son polissage : plus le grain de riz est poli, plus le saké devient précieux et délicat. Et c’est justement sur ce point que Niigata a tout misé depuis déjà bien longtemps.
Dans la préfecture où l’on consomme le plus la boisson au Japon (12,4 litres par habitant), le saké est un trésor. On le chérit et on s’enorgueillit de lui avoir offert ses lettres de noblesse qui lui offrent un vrai regain de popularité aujourd’hui. “Au début des années 1970, c’était vraiment le pic du marché du saké dans tout l’archipel, rappelle Odaira Shunji, président des brasseurs de saké de Niigata. Au lendemain de la guerre, la famine faisant rage, la production a été complètement arrêtée : il fallait garder le riz pour se nourrir. Quand on a pu recommencer à confectionner cet alcool, ce fut la fête !” Puis progressivement, face à la concurrence du vin, de la bière ou même du shôchû (alcool distillé notamment à partir de patate douce), les Japonais boudent le saké qu’ils trouvent désuet. A Niigata, “la consommation s’est toujours maintenue, précise Odaira Shunji. Le pic de consommation s’est fait plus tardif et a même atteint son sommet en 1998.” La préfecture innove avec des méthodes de fabrication uniques et se démarque, atteignant les meilleures places des classements, au même titre que le Kansai (la région d’Ôsaka et de Kyôto), autre région productrice de saké d’excellence.