Le phénomène Nejishiki
Parmi les œuvres signées Tsuge Yoshiharu, Nejishiki (La Vis) est celle qui reste sinon la plus emblématique, du moins celle qui a fait du mangaka une légende. Dans ce récit, il raconte l’errance d’un jeune garçon blessé à la recherche d’un médecin pour le soigner. Il finira par tomber sur un gynécologue qui utilisera une vis (nejishiki) pour le “réparer”.
Si cette histoire publiée en juin 1968 fait tellement sensation, c’est qu’elle rompt totalement avec la façon dont les récits ont été construits jusqu’alors dans le manga. Il ne s’agit plus de “divertir”, mais de créer un univers dans lequel le lecteur devra faire des efforts pour en tirer quelque chose. C’est ce qui explique pourquoi des puristes comme les représentants du magazine Com lancé l’année précédente par Tezuka Osamu affirment que “ce n’est pas du manga”.
Il n’empêche que Nejishiki ouvre la voie à une nouvelle génération d’auteurs prompts à exprimer les peurs et les angoisses de leur temps. Parmi eux, Akasegawa Genpei qui rendra hommage à Tsuge et Nejishiki dans Garo en juillet 1973. Il commence son histoire par se moquer d’abord de Com disparu au début de l’année en affirmant que “ce n’est pas du manga” et enchaîne sur une succession de scènes inspirées par Nejishiki. Cinquante ans après sa première parution, ce dernier reste une référence. O. N.
A gauche, l’une des scènes les plus marquantes de Nejishiki. A droite la scène revisitée par Akasegawa Genpei dans laquelle il fait dire à l’une des voix : “Comme ça, on dirait presque le Nejishiki de Tsuge Yoshiharu !” / Garo, juin 1968 et juillet 1973, collection Claude Leblanc
Previous ArticleEntretien : “Je voulais être invisible”
Next Article Essai : Regard sur la pauvreté dans l’Archipel