Cependant, lorsque la culture pop coréenne a fait son entrée sur le territoire japonais pour la première fois, Instagram n’existait pas encore. La Corée du Sud venait tout juste de sortir de la crise financière asiatique catastrophique de 1997, qui avait gravement compromis la dépendance du pays vis-à-vis des grands conglomérats. La réaction du président Kim Dae-jung à cette crise avait été d’améliorer le pouvoir de séduction coréen, en développant les industries du film, de la musique pop et des jeux vidéo au moyen d’incitations fiscales et de financements publics. Dans le même temps, son réseau informatique a été considérablement renforcé et une augmentation substantielle du budget du ministère de la Culture a permis la création de 300 départements d’études liés à l’industrie culturelle dans les universités et les facultés du pays.
A l’époque, les Japonais s’intéressaient principalement à la cuisine coréenne (kimchi et viande grillée, par exemple) et au tourisme. Ils se rendaient chez leur voisin pour y profiter des saunas coréens et des massages akasuri. Mais les choses ont changé, en 2000, lorsque le premier film d’action à gros budget Shiri réalisé par Kang Je-gyu a fait sensation au Japon. Son succès a été répété un an plus tard par la comédie romantique My Sassy Girl (Yeopgijeogin geunyeo) de Kwak Jae-yong qui a incité le journal Asahi Shimbun à forger l’expression Hanryû.
En 2002, l’album Listen to My Heart de la chanteuse BoA s’est écoulé à un million d’exemplaires, ouvrant la voie à d’autres artistes pour qu’ils conquièrent le monde japonais de la musique réputé fermé. Enfin, en 2003, Fuyu no sonata [Sonate d’hiver] est devenue la première série coréenne à remporter un franc succès à la télévision japonaise, attirant 23,8% de téléspectateurs aux heures de grande écoute, tandis que sa version DVD a été vendue en moins de quatre heures après sa sortie. Les produits dérivés de la série ont généré un revenu de plus de 3,5 millions de dollars et l’acteur principal Bae Yong-joon (ou Yon-sama, surnommé affectueusement par ses fans) est devenu une star et a été accueilli par quelque 3 000 femmes lors de sa visite au Japon en 2004. Quel que soit le produit présenté, il a remporté un succès immédiat grâce au visage suave de Bae. Même les hommes japonais ont essayé de s’inspirer du look de Yon-sama en se colorant les cheveux de la même couleur caramel. Le gouvernement coréen a contribué au succès des séries en assurant leur traduction dans d’autres langues et en s’adressant aux réseaux de télévision pour avoir la possibilité de les diffuser à l’étranger.
En 2004, le nombre de voyages en Corée effectués par des Japonais a augmenté de 40 %, tandis que 2 millions de Japonais ont visité les lieux de tournage de Fuyu no sonata et d’autres œuvres. Au point d’avoir des conséquences sur l’environnement et d’obliger la fermeture de certains sites. Cette forme de tourisme a atteint de nouveaux sommets à chaque fois qu’une nouvelle série télévisée mettant en scène Yon-sama était diffusée sur les petits écrans. Parmi elles, on peut citer Dae Jang Geum (Jewel in the Palace), une série en costumes mettant l’accent sur les liens historiques et culturels entre la Corée, la Chine et le Japon avec de nombreuses intrigues à la cour impériale. Encore une fois, les Japonaises ont adhéré au personnage réconfortant et sympathique incarné par Yon-sama.
Même si récemment, les séries télévisées coréennes ne dominent plus autant les écrans, elles conservent une base de fans solide dans l’Archipel, probablement parce que la barrière culturelle n’est pas difficile à franchir et que la plupart des téléspectateurs se retrouvent dans les histoires. L’impact de la culture pop coréenne sur le public japonais s’est même étendu à l’apprentissage des langues. Le nombre de personnes s’intéressant à l’apprentissage du coréen a considérablement augmenté, en faisant la quatrième langue étrangère la plus populaire après l’anglais, le français et le chinois.