Il est donc devenu plus facile de présenter du vin japonais à vos clients ?
T. S. : Ils sont nettement plus ouverts au vin local. Dans le quartier de Nihonbashi à Tôkyô, par exemple, je collabore avec un restaurant qui ne propose que 300 vins différents de Yamanashi. De plus, je suis consultant pour un restaurant à Shinjuku, qui dispose de 400 références japonaises.
La plupart des vignobles sont concentrés dans les préfectures de Yamanashi, de Nagano, de Hokkaidô et de Yamagata (voir carte pp. 4-5). Quelles sont les différences entre eux ?
T. S. : Chaque région a des conditions météorologiques et climatiques particulières qui affectent évidemment la production de vin. De plus, les Alpes japonaises au centre de Honshû créent un fossé climatique énorme entre le Japon occidental et le Japon oriental. Hokkaidô, par exemple, se distingue du reste du pays en raison de son climat beaucoup plus sec et du réchauffement climatique en cours qui rend cette région encore meilleure pour la culture de la vigne. Des domaines viticoles s’ouvrent un peu partout dans le nord et dans un avenir pas si lointain, Hokkaidô s’imposera comme la meilleure région productrice de vin du Japon.
Nagano est un autre domaine qui est positivement affecté par les températures moyennes plus élevées. Étant une préfecture montagneuse, il était auparavant impossible de cultiver du raisin à plus de 400 mètres d’altitude. Mais maintenant, on trouve des vignobles allant même jusqu’à 800 mètres.
Yamanashi, au contraire, est entourée de montagnes et ses précipitations annuelles sont similaires à celles de Bordeaux. Cependant, alors qu’en France, il pleut principalement en hiver lorsque les raisins ne poussent pas, à Yamanashi, il pleut beaucoup en juin, août et septembre, et la région en forme de bassin a tendance à se réchauffer pendant l’été. Un autre problème courant au Japon est qu’à l’automne, au moment où les raisins mûrissent, il pleut beaucoup et nous avons même une saison des typhons, ce qui fait que le taux d’humidité est très élevé. De manière générale, il est beaucoup plus facile de produire du vin blanc de qualité internationale au Japon que de faire du vin rouge. Un exemple typique d’excellent vin blanc japonais est le Kôshû, au goût léger et moelleux, qui se marie très bien avec le poisson et la cuisine japonaise.
Tôkyô n’est pas a priori une région viticole, mais j’ai récemment entendu parler d’un projet dans l’arrondissement de Nerima.
T. S. : C’est un domaine viticole qui utilise une variété de raisin de table appelée Takao qui pousse dans cette région. Croyez-le ou non, il existe même un viticulteur baptisé Fukagawa dans le quartier Kôtô. Bien sûr, il n’y a pas de vignoble dans cet arrondissement, donc le terme “vignoble” est impropre. Il achète simplement du raisin ailleurs et fabrique son vin qui sera écoulé ensuite dans son restaurant. Si la capitale est pleine de surprises, même en ce qui concerne la vinification, ces deux projets sont des vins mineurs qui ne peuvent être comparés à des marques bien meilleures. Plus que Tôkyô, la préfecture de Saitama, située juste au nord, semble être une région prometteuse en la matière. Les conditions sont réunies pour y accomplir de grandes choses.
Selon vous, quelle est la meilleure façon de déguster le vin japonais ?
T. S. : Comme il pleut beaucoup au Japon, les vins locaux sont plutôt frais et légers. Quelque chose comme le vin blanc Kôshû accompagne très bien la cuisine japonaise, en particulier la cuisine traditionnelle servie dans les restaurants. Ainsi il s’accorde bien avec un plat de tempura et même des sushis de poisson blanc, de saumon ou de pétoncles japonais. Mais pas de thon.
En outre, un vin rouge intéressant, récemment reconnu au niveau international, est élaboré à partir d’une variété de raisin de Niigata appelée Muscat Bailey A. Il a un goût de fraise et accompagne parfaitement les plats de poisson, de porc et de poulet cuisinés à la façon teriyaki.
Pensez-vous que le vin japonais a un avenir au niveau international ?
T. S. : Depuis la nouvelle loi enfin adoptée l’année dernière qui établit des règles plus strictes pour définir ce qui peut être désigné “vin du Japon” (nihon wain) par opposition à “vin de production nationale” (kokusan wain), on peut estimer que c’est un grand pas en avant pour rendre le vin japonais plus crédible au niveau international. Dans le même temps, de plus en plus de vignobles se créent un peu partout. C’est maintenant le bon moment de faire connaître les produits japonais, car la tendance générale des consommateurs, même à l’étranger, est de boire des vins au goût léger, à l’instar de ceux fabriqués au Japon. Même lors du G20 qui s’est tenu à Ôsaka en juin, nous n’avons servi que du vin local et ce fut un grand succès.
Propos recueillis par Jean Derome
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