La grande nouveauté de cette exposition se trouve dans une salle particulière où les gens peuvent réellement prendre des photos (mais seulement avec leur smartphone). On passe alors de la contemplation tranquille de toiles à une situation où des gens courent d’un coin à l’autre de la pièce, pour prendre autant de photos souvenir que possible. Heureusement, c’est le seul endroit où l’on est autorisé à prendre des photos.
La salle suivante est assez surprenante, surtout pour les personnes qui ne connaissent que les œuvres les plus récentes de Kusama Yayoi. Ici nous pouvons découvrir ses premiers dessins et peintures. Enfant, elle était en proie à des hallucinations (les violettes qui poussaient près de sa maison devenaient les visages des gens et commençaient à lui parler). Elle a donc commencé à peindre pour échapper à ses peurs. Elle a étudié le nihonga (peinture japonaise traditionnelle) à l’école municipale des beaux-arts de Kyôto. Dans les années 1950, l’artiste représentait à la fois des formes abstraites et naturelles et développait une variété de motifs basés sur des formes végétales et animales, des planètes et l’univers. Ses œuvres de 1950-52 montrent une maturité malgré son jeune âge. En observant Accumulation of the Corpses (1950), on peut essayer d’imaginer le genre de cauchemars et d’hallucinations qu’elle avait à l’époque. Quoique magnifiques et artistiquement accomplies, ces premières œuvres parlent directement de nos émotions les plus pures. D’ailleurs, alors que je me trouvais dans la salle à demi éclairée, un gamin est entré et s’est écrié : “kowai !” (Ça me fait peur !).
Nous passons ensuite à la période américaine de Kusama Yayoi. Elle s’est échappée (comme elle l’a souvent dit) aux États-Unis en 1957 et s’est établie à New York en 1958 où elle a attiré l’attention des artistes locaux avec ses peintures Infinity Net, dont plusieurs peuvent être vues ici. Ces vastes champs de toile remplis d’un maillage de traits monochromes n’ont ni frontières ni centres ce qui masque la composition. À l’époque, ils étaient considérés comme frais et novateurs, anticipant l’esthétique de l’art minimaliste qui deviendra un courant dans les années 1960. Aujourd’hui encore, ils continuent de nous hypnotiser.
Quelques années plus tard, en 1962, elle commença à défier les concepts traditionnels de sculpture en bois, en métal ou en pierre en créant des sculptures dites douces – des protubérances phalliques posées sur des meubles et d’autres objets prêts à l’emploi. L’échelle et la commode exposées à Tôkyô, ainsi que le manteau couvert de macaronis, ont été analysés comme des obsessions sexuelles et alimentaires. L’une des œuvres les plus remarquables que l’artiste ait jamais réalisée est Aggregations (One Thousand Boats Show), conçue à la Galerie Gertrude Stein à New York en décembre 1963. Il s’agit d’une installation mettant en scène un bateau recouvert de protubérances phalliques argentées, entouré de 999 affiches représentant le même bateau sur les murs de la galerie, du sol au plafond. Elle a été reconstituée pour cette exposition à partir de Walking on a Sea of Death, un travail semblable qui date de 1981.
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