Kakuta Mitsuyo porte un regard acéré sur la société. Elle s’en nourrit pour construire une œuvre diverse et riche.
Couronnée par de nombreux prix littéraires, Kakuta Mitsuyo est désormais considérée comme l’un des principaux écrivains japonais contemporains. C’est la raison pour laquelle nous avons interrogé cette star de la littérature sur l’état du Japon et la place des femmes dans la société d’aujourd’hui.
J’ai lu que vous vouliez devenir écrivain dès l’école primaire. Pourquoi à un si jeune âge et pourquoi ce désir est-il resté si fort ?
Kakuta Mitsuyo : J’aimais lire dès ma plus tendre enfance tout en ayant des difficultés à parler avec les gens. A l’école primaire, il fallait écrire des compositions. Je lisais tellement que je pouvais déjà écrire couramment. J’étais très fière de cela. En première année, on nous a demandé d’écrire ce que nous voulions devenir plus tard, j’ai écrit que je souhaitais être un écrivain. Comme j’ai décidé de suivre cette voie très tôt, je n’ai pas étudié d’autres matières, comme les mathématiques. Je pensais qu’il me suffisait d’étudier uniquement la langue japonaise. Par conséquent, au cours de ma scolarité en primaire, j’ai décroché dans toutes les matières sauf en japonais. Après mon entrée au collège, il était incontestable que je n’avais aucune base pour les autres matières en dehors du japonais. Dans ces conditions, je ne voyais pas d’autres options que de devenir vraiment un écrivain.
Plus tard, vous avez reçu le prix du jeune écrivain Kaien et vous avez publié vos œuvres principalement dans des magazines littéraires. Mais y a-t-il quelque chose qui a changé en vous lorsque vous avez commencé à écrire des romans de divertissement ?
K. M . : Pas vraiment. Cela correspondait à un moment où j’avais moins de travail dans mon secteur de prédilection. Au Japon, il existe des catégories définies de façon très stricte, connues sous le nom de “littérature pure” et de “romans de divertissement”. Celle dans laquelle vous débutez détermine en général l’univers littéraire auquel vous allez appartenir. C’est une chose très normale au Japon, mais probablement un peu étrange dans presque tous les autres pays. J’avais fait mes débuts dans une revue de “littérature pure”, et c’est pourquoi j’ai écrit pour ce genre de publications pendant environ 10 ans. Toutefois, mes livres ne se vendaient pas très bien malgré mes nominations pour des prix littéraires, je me disais que je n’arriverais pas à percer et à remporter ces prix. Mes options semblaient se réduire. C’est au moment où j’ai commencé à me demander ce que j’allais faire qu’un responsable d’un magazine de romans de divertissement m’a contacté et demandé si je pouvais aussi écrire pour eux. J’ai donc réalisé qu’il y avait encore de la place pour moi.
Vous semblez toujours prête à essayer de nouvelles choses comme ce travail autour d’une œuvre d’art à la demande d’une galerie. Vous sentez-vous tiraillée entre ce que les gens peuvent vous demander d’écrire et ce que vous souhaitez écrire ?
K. M . : A vrai dire, mes centres d’intérêt sont très limités. Dès lors, si personne ne me demandait de faire des projets particuliers, il est probable que je ne me lancerais pas dans ces nouveaux projets. Si je devais seulement écrire sur des sujets qui m’intéressent, cela se traduirait probablement par une expérience assez réduite. D’autre part, être invitée à écrire un roman autour d’une œuvre d’art ou à collaborer avec un certain photographe m’a amenée à m’intéresser à des domaines vers lesquels je ne me serais pas tournée naturellement. Du coup, cela me satisfait de procéder de cette manière car, pour moi, c’est un coup de pouce.